Français EnglishA partir de l'année 2021, le musée national Fernand Léger présente une œuvre majeure aux dimensions exceptionnelles (4,90 m de haut sur 8,70 m long) : Le Transport des Forces.

Peint par Fernand Léger en 1937, à l'occasion de l'Exposition internationale des arts et techniques de Paris, ce tableau monumental est le fruit d'une commande de l'État, destinée à l'origine à orner le Palais de la Découverte. Véritable exaltation de l'alliance harmonieuse de la créativité artistique et de l'innovation technologique, Le Transport des Forces fait l'éloge de l'énergie électrique issue d'un processus de transformation des forces naturelles. Réalisé en collaboration avec ses élèves dans le contexte du Front Populaire, ce tableau marque un tournant dans la démarche de Léger : il approfondit alors sa réflexion sur la place de la couleur dans l'architecture moderne et devient le promoteur d'un art social, inscrit dans l'espace public. Avec cette œuvre, la beauté de la peinture murale s'offre désormais au regard de tous.

Affecté au Centre national des arts plastiques de Paris, Le Transport des Forces est mis en dépôt pour cinq ans au musée national Fernand Léger. Le visiteur est invité à découvrir cette œuvre magistrale, exposée pour la première fois au musée Léger, grâce à une programmation spécifique (conférences, projections) mettant en valeur le caractère à la fois unique et allégorique de ce tableau emblématique.

Commissariat : Anne Dopffer, conservateur général du patrimoine, directrice des musées nationaux du XXesiècle des Alpes-Maritimes Julie Guttierez, conservatrice du patrimoine au musée national Fernand Léger.

Musée National Fernand Léger :
Tous les jours sauf le mardi, les 1er janvier, 1ermai et 25 décembre. De mai à octobre, de 10h à 18h.De novembre à avril, de 10h à 17h.

L'Exposition.

C'est en 1937, à l'occasion de « l'Exposition Internationale des Arts et Techniques appliqués à la vie moderne » de Paris que l'État commande au peintre Fernand Léger un gigantesque décor pour le Palais de la Découverte, alors en construction : Le Transport des Forces.
Prestigieuse célébration de l'union entre «le Beau et l'Utile», cette exposition universelle, qui réunissait les pavillons d'une quarantaine de pays, avait pour ambition de promouvoir l'harmonie entre activité industrielle, progrès technique et création artistique.

L'Exposition de 1937 constitue un tournant majeur dans l'œuvre de Fernand Léger, alors à l'apogée de sa renommée. Avec Le Transport des Forces, il définit un nouvel art mural, né de la fusion organique entre peinture et architecture. Pour l'artiste, inscrire la peinture moderne dans l'espace public, véritable progrès social, offre à tous la possibilité « d'évoluer vers les belles choses ».

En 2021, le musée national Fernand Léger dévoile au public, pour la première fois – et pour cinq ans ! – cette œuvre exceptionnelle, tant par la monumentalité de son format, inédit dans la carrière de l'artiste, que par la singularité de son sujet -l'éloge de l'électricité comme symbole de la modernité.Le Transport des Forces, provenant de la collection du Centre national des Arts plastiques de Paris, est placé en dépôt au musée national Fernand Léger pour une durée de 5 ans.

Histoire d'une commande
Le 2 octobre 1936, l'État commande à Fernand Léger, pour la somme de 22 000 francs, un décor monumental pour le Palais de la Découverte, aménagé en Musée des sciences. Pour réaliser cette peinture de 50 m2, Fernand Léger fait appel ausavoir-faire de trois élèves de son atelier, Elie Grekoff, Asger Jorn et Pierre Wemaëre.

Placé sous le signe de la lumière électrique, symbole par excellence du progrès technique, le programme de l'Exposition prévoit la réalisation de plusieurs œuvres sur ce thème. Au Pavillon de la Lumière, édifié par Robert Mallet-Stevens, La Fée Électricité du peintre Raoul Dufy déploie, dans une peinture murale de 600 m2, le récit des principales innovations techniques et le panthéon des scientifiques qui ont marqué l'histoire de l'électricité. À l'inverse, Léger propose une interprétation originale et personnelle du sujet. Dans un paysage synthétique encadré de constructions métalliques évoquant des usines, Léger met en valeur la beauté des richesses naturelles dans un jeu de contrastes entre les lignes géométriques du monde industriel et la douceur des formes naturelles. À mi-chemin entre abstraction et figuration, Le Transport des Forces illustre la transformation harmonieuse, presque alchimique, d'un torrent d'eau en source d'énergie utilisable par l'Homme.

Le Transport des Forces répond à la commande et aux aspirations du Front Populaire en exprimant une foi idéaliste dans le progrès technique. Mais la composition dynamique et la puissance plastique du tableau dépassent la simple exaltation de l'électricité. Fernand Léger célèbre la créativité de l'Homme et de la nature dans une sorte d'allégorie cosmique qui restitue l'essence vitale « des grandes cadences du statut universel ».

« Les élèves travaillent à Belleville à mon tableau -la mise au carreau est faite –ça va aller vite –à mesure que je regarde la toile –sa dimension – elle diminue – la taille ne m'étonne plus – cela me paraît normal – Je vais finir par trouver cela petit, d'ailleurs une fois en place au Grand Palais il ne restera plus rien. »( Fernand Léger, lettre à Simone Herman du 21 mars 193)


L'Exposition internationale de 1937 à Paris

L'Exposition internationale connaît à l'été 1937 un succès considérable. Selon le mot de Léon-Paul Fargue : « Tout y était art, tout y était soutenu, élevé, accroché par l'art ». Du 25 mai au 25 novembre 1937, plus de 31 millions de visiteurs se pressent pour admirer les dernières innovations aéronautiques ou automobiles, et s'émerveiller devant les fééries lumineuses dans le ciel nocturne de Paris.

Pourtant, cet éloge de la prospérité industrielle se déroule dans un climat international tendu à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le spectaculaire face-à-face des Pavillons allemand et soviétique cristallise les antagonismes idéologiques au sein d'une Europe déchirée. Face à la domination des régimes totalitaires, les artistes dénonçant les horreurs de la Guerre civile dans d'émouvantes représentations -telles Guernicade Picasso ou La Montserratde Julio Gonzàlez -, font du Pavillon espagnol le symbole de la résistance et de la liberté.
En France, le gouvernement du Front populaire, récemment élu, saisit l'occasion de cette manifestation pour promouvoir ses idéaux et, dans un contexte de crise consécutif à la Grande Dépression, relancer l'activité économique à travers une ambitieuse politique de commandes publiques.
Au moment où le régime nazi organise à Munich une exposition « d'art dégénéré », l'État français apporte son soutien à l'avant-garde artistique en invitant les plus grands créateurs à réaliser des décors monumentaux. Alors que le retour à l'ordre stylistique triomphe partout, l'Exposition de 1937 marque durablement la vie culturelle européenne. Elle fait de Paris la vitrine de l'art moderne grâce à un vivifiant panorama de la création indépendante de l'entre-deux-guerres.

Léger en 1937
Pour l'Exposition de 1937, Fernand Léger reçoit six commandes, dont Le Transport des Forces constitue l'unique vestige. Pour orner l'audacieuse architecture de verre et de métal du Pavillon de l'Union des artistes modernes (UAM), il peint un immense panneau abstrait en collaboration avec Albert Gleizes et Leopold Survage. Il crée un photomontage monumental, Travailler, pour le Pavillon des Temps Nouveaux de Le Corbusier. Pour le Pavillon de l'Agriculture, il réalise, à quatre mains avec son amie Charlotte Perriand, une série de panneaux graphiques et colorés, dont le musée présente ici une reconstitution inédite.

Sur le plan stylistique, la dimension décorative du Transport des Forces présente des similitudes avec l'esthétique de Robert Delaunay qui crée de grands décors colorés pour le Palais des chemins de fer et le Palais de l'Air. Passionnés par la couleur pure, les deux amis voient dans la manifestation de 1937 l'occasion de libérer la peinture du cadre restreint de la peinture de chevalet pour « lier l'architecture, la décoration et la sculpture en un tout de même esprit ».
Pour l'Exposition de 1937, Léger avait aussi imaginé de camoufler la tour Eiffel pour créer « des projections cinématographiques dans le ciel ». Après la manifestation, il reçoit une nouvelle commande du Front Populaire pour le centre d'aviation de Briey. Mais ces différents travaux resteront à l'état de projets.L'intérêt croissant de Fernand Léger pour la fusion entre peinture et architecture, manifeste dès 1925, se teinte en 1937 d'une forte coloration politique. Selon Léger, l'invention d'un nouvel art mural, propriété de tous, incarne par essence l'art social, qui convertit l'artiste en ouvrier et fait de l'œuvre le fruit d'un travail artisanal et collectif. Un engagement qui vise « à la transformation des individus, à la modification de leur genre de vie.»

«Cet art mural est devenu un des côtés assez nouveaux de l'Exposition de 1937. [...] L'événement est d'importance car c'est la résurrection de la collaboration des trois arts: architecture, peinture, sculpture, travail d'équipe vers des buts plus ou moins sociaux».(Fernand Léger, «La couleur dans le monde», conférence prononcée à Helsinki en 1937)


L'Étude préparatoire au Transport des Forces

Unique témoignage des travaux préparatoires au Transport des Forces conservé dans les collections publiques, ce dessin à la gouache en est aussi l'étape la plus aboutie. Fernand Léger fait appel au savoir-faire de trois élèves Elie Grekoff, Asger Jornet Pierre Wemaëre pour transposer la maquette à l'échelle monumentale.

Pendant trois semaines, ils travaillent à l'agrandissement du modèle dans un hangar situé à Belleville. Cette étude préparatoire témoigne de la mise au carreau réalisée par les élèves pour conserver les proportions initiales mais aussi du format d'origine du tableau, dont les bords ont été largement coupés, probablement du vivant de l'artiste.

Ce travail collectif participe à la modernité de la démarche deLéger. Bien avant l'Art conceptuel, il désacralise le travail de la main de l'artiste pour mettre l'accent sur l'idée à l'origine de la création. Mais cette collaboration s'inspire aussi de l'idéal, cher à Léger, des ateliers et chantiers du Moyen-Âge, où maître et apprentis œuvrent ensemble à la réalisation de tableaux monumentaux intégrés à l'architecture.

Les années de formation au sein de l'atelier de Léger ont été déterminantes pour ces trois élèves liés par une forte amitié. L'année 1937 constitue un tremplin dans la carrière de Pierre Wemaëre, dont l'œuvre, exposée au Salon des Indépendants, est saluée par la critique. Quant au peintre danois Asger Jorn, il devient en 1948 le fondateur du mouvement artistique expérimental CoBrA.



Joies essentielles, Plaisirs nouveaux Pavillon du ministère de l'Agriculture, 1937Une collaboration avec Charlotte Perriand

Lors de l'Exposition internationale de 1937, Fernand Léger collabore avec l'artiste Charlotte Perriand à l'élaboration du Pavillon du ministère de l'Agriculture. Proche des idéaux du Front Populaire, Perriand avait déjà orné de grands photomontages la salle d'attente de ce même ministère l'année précédente. Elle les décline cette fois-ci sur une structure en plein air en forme d'étoile conçue avec les architectes Henri Pacon et André Masson-Detourbet. Composée de 18 panneaux et déployée porte Maillot sur 110 mètres linéaires, cette réalisation est connue par des photographies noir et blanc de 1937. Des reconstitutions de certains panneaux ont été réalisées en 2011 par Jacques Barsac avec des propositions de restitutions de couleurs à partir de tableaux de Fernand Léger de la même période.

Fernand Léger et Charlotte Perriand se rencontrent pour la première fois en 1930 en Allemagne. C'est le début d'une longue amitié et de collaborations fructueuses des deux artistes qui partagent une vision commune d'un art humaniste et ancré dans la vie. Déjà en 1935, Charlotte Perriand fait appel au peintre, lors de l'Exposition internationale de Bruxelles, pour le décor de La Maison du jeune homme. En 1937, ils utilisent et redécoupent des clichés de photographes contemporains pour composer à quatre mains des panneaux colorés et contrastés, ponctués de slogans et de statistiques illustrant et célébrant le programme et les acquis du Front Populaire.

Joies essentielles, plaisirs nouveaux, dont la reconstitution est reproduite ici au format d'origine, évoque et mêle des images de la société rurale traditionnelle, du monde industriel et de la vie urbaine et moderne dans une composition monumentale d'où se dégage une certaine euphorie. Elle révèle les espoirs soulevés par le Front Populaire qui promet l'avènement du temps libre et des loisirs au bénéfice de tous.


Chronologie: Les transports du Transport des Forces

1936, la commande
Conservée dans les archives du Palais de la Découverte, la commande de la toile pour Le Transport des Forces, datée du 22 octobre 1936, atteste de son format d'origine –5 mètres sur 10. Dans une lettre du 3 octobre 1952, André Leveillé, Directeur du Palais de la Découverte, demande à Fernand Léger d'intervenir sur son œuvre, alors entreposée dans la réserve, suite aux dégâts survenus lors d'une exposition en Avignon en 1949. C'est probablement à ce moment-là que Léger apporte des modifications au tableau en le réduisant aux dimensions actuelles.

1937, l'Exposition internationale
Pendant l'Exposition Internationale des Arts et Techniques de 1937, Le Transport des Forces est présenté au pied de l'escalier de l'Astronomie, dans la Salle 3 de Physique du globe-Météorologie du Palais de la Découverte. Installé dans l'aile Ouest du Grand Palais édifié lors de l'Exposition universelle de 1900, cet espace a été réaménagé et remis au goût du jour dans une esthétique Art Déco caractéristique de l'Exposition de 1937.

Les années 1950, la rotonde
À une date inconnue, Le Transport des Forces quitte son emplacement d'origine pour être présenté sous les arcades du Hall d'Antin au Palais de la Découverte. À l'été 1979, Le Transport des Forcesest prêté au Centre Pompidou pour une exposition consacrée à l'Exposition internationale de 1937. En 1980, il fait l'objet d'une première restauration.

1990, un nouvel emplacement
Dans le cadre de travaux de rénovation du Palais de la Découverte, Le Transport des Forces est une nouvelle fois déplacé. Lors d'un déménagement spectaculaire, il quitte la rotonde pour être installé dans l'escalier d'honneur. Le Transport des Forces reste à son nouvel emplacement jusqu'à sa restauration in situ.

2016, la restauration
La restauration du Transport des Forcespar l'atelier de Claude Wrobel a consisté en un nettoyage du tableau, un refixage localisé de la couche picturale, très fragilisée, et un traitement des griffures et déchirures. Le restaurateur a aussi harmonisé l'aspect général de l'œuvre en retouchant les anciennes restaurations disgracieuses. Cette opération a permis d'approfondir la connaissance du tableau et de redécouvrir la signature de deux des élèves ayant participé à la réalisation de l'œuvre.

2016-2020, les voyages du Transport des Forces
Grâce à cette restauration, Le Transport des Forces peut désormais voyager sur un rouleau monumental. Il est prêté et présenté pour la première fois hors du territoire national à l'exposition Painting in Space organisée au Ludwig Museum de Cologne en 2016. Depuis cette date, l'œuvre a voyagé à Metz et à Bruxelles avant d'être exposée à la Fondation Louis Vuitton à Paris, pour l'exposition rétrospective consacrée à Charlotte Perriand en 2019.


Musée National Fernand Léger


Musee

10h - 17h (18h en été)
Fermé le mardi et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre

Chemin Du Val De Pome
06410 Biot

Tél. 04 92 91 50 30

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